Mona lisait

Cabinet de curiosité-Blog des Librairies du livre neuf à prix réduit

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Le Livre d’or du Paradis et de l’Enfer

Il fallait un outil pour découvrir, décoder, sonder, percer les mystères de la peinture religieuse. Il fallait un guide pour se familiariser à un monde dont les clés sont parfois enfouies aux confins des temps. Il fallait aussi poser des repères pour pouvoir identifier les anges, les démons, les saints et tous les êtres qui habitent la vie spirituelle. Voici chose faite ! L’historienne de l’art Rosa Giorgi a réussi la prouesse de déployer en un seul volume les trésors de l’art sacré et leurs sens cachés. Son ouvrage, traduit de l’italien par Dominique Férault, aux éditions Hazan, constitue une bible d’images, égrenant, une savante iconographie vieille de deux millénaires qui n’a cessé de se codifier, en traversant les âges.

Dans le même élan, y sourd l’esprit et l’habileté des peintres qui tantôt se conforment aux dogmes ou parfois contournent la censure avec malice. Toutes les symboliques et conventions liées à la tradition chrétienne s’éclairent de commentaires courts, concis et rigoureux s’appuyant toujours l’image et la représentation. Anges ailés ou diables cornus perdent page après page leurs secrets au fur et à mesure que nous est révélée la vie des saints, des apôtres et docteurs de l’Eglise. Complet, documenté et ludique ce passionnant voyage aux racines de la culture occidentale compose aussi le musée imaginaire des plus riches œuvres du Guerchin à Tiepolo, de Georges de la Tour à Mathias Grünewald, d’Albrecht Dürer au Greco. Entre enfer et paradis, ce livre d’or est un moyen sûr pour approcher, apprécier et transmettre les connaissances qui jusqu’à présent nous manquaient devant une scène religieuse au musée. C.A


Mimmo Jodice

Le photographe Mimmo Jodice s’emploie, depuis les années 1960, à capter de l’humanité et de la nature les forces, les failles, les paix paradoxales, les douleurs dépassées. Peut-on dire dans une image toutes les mémoires et les oublis du monde? L’ouvrage, paru en 2010, que lui dédie la Maison de la photographie, signé des spécialistes d’art contemporain Ida Gianelli et Daniela Lancioni, réunit un éloquent florilège de ses clichés noirs et blancs, graphiques, épurés, à l’impact immédiat et puissant. Napolitain, il est né dans la lumière et la rumeur de la ville.

Ses paysages interrompus, lointains ou stroboscopiques qui saisissent un urbanisme cruel et asphyxiant, tiennent des représentations imaginaires d’Albrecht Dürer. La figure humaine, son omniprésence ou son absence est un leitmotiv de son œuvre dont l’esthétique rejoint la poésie sociale et tragique de Pier Paolo Pasolini. Grand admirateur de Bill Brandt et d’André Kertész, Mimmo Jodice est un photographe d’investigation, profond, sauvage et policé qui, comme eux s’est détaché du photojournalisme, poussant les possibilités expressives de ses images dans son engagement politique et social. Proche de l’Arte povera, dont ses images fragmentées sont l’illustration, il campe toutes les solitudes troubles et sublimes, toutes les beautés fragiles et anodines. Son œil, disponible aux nuances et aux finesses de la vie qui bat, offre à la photographie une noblesse, une distante élégance. Quelque chose comme une âme fantôme qui rencontrerait l’œil et le cœur de l’autre. C. A

 


Raymond Depardon Afriques

Comme Raymond Depardon a raison ! L’Afrique se conjugue au pluriel. Le florilège d’images que le photographe, fondateur de l’agence Magnum, a rassemblées dans un volumineux ouvrage de 400 pages, paru aux éditions Hazan, dit toutes les Afriques, sans commentaire ni anecdote. D’elliptiques et lapidaires légendes laissent à ses photographies leur liberté, intime, impressionnante, chargée d’une force tellurique que la lumière et le vent écrasent, bousculent, subliment à l’envi.

 

Mais avec Depardon, l’homme est toujours au cœur du monde, de ses troubles, dans la frénésie de son histoire, dans la douceur d’un regard ou la marque indélébile d’un souvenir. Loin de tout, rien n’échappe. C’est la vision surréaliste d’Elisabeth II, entourée d’hommes en livrée, saluant de son carrosse la foule éthiopienne lors de sa visite à Addis-Abeba en 1965. Ce sont trois enfants nus, amaigris par la faim, qui, enlacés, s’avancent sur un chemin à Akon, au Soudan en 1994. Chaque instant capté en noir et blanc est plus qu’une tranche de vie. A chacun de nous d’en imprimer la puissance, la portée, d’en chercher la cause ou la suite, réelle ou imaginaire. Aucun misérabilisme, aucune condescendance n’entache jamais ces rencontres humaines nées sur des terres lointaines que Depardon arpente avec passion. Son œil transmet sa sensation, elle aussi plurielle, de joie, de peur, de paix, d’empathie. Le temps s’y marque sans jamais se figer, depuis la première expédition du photographe, « SOS Sahara » en 1960 jusqu’aux silhouettes de travailleurs clandestins traversant la frontière en 2001 entre les puits de Toumo et de Gatroum, en Lybie. L’œil de Depardon observe les Afriques pour mieux les comprendre, embrasser leurs richesses traduire leur diversité. Ainsi, anodine comme un souvenir de vacance, une image semble surprendre la promenade d’une élégante européenne marchant au côté d’une femme Ndélélé, en Afrique-du-Sud. Seuls leurs regards peuvent se comprendre. L’Occidentale se nomme Colombe Pringle, alors rédactrice en chef du magazine Vogue. Cette année-là, en 1993, Nelson Mandela a reçu le prix Nobel de la Paix pour avoir mis fin à l’apartheid. Invité par la rédaction de Vogue il composera un numéro historique. Certes, l’image ne le dit pas, telle une pierre anonyme elle vient bâtir l’édifice invisible de l’histoire des hommes, comme autant de signes de vie et d’espoir. Ni témoignage ni symbole, elle possède la densité d’un hommage pudique. Raymond Depardon a décidément raison. Ses Afriques, vues par lui, portent en elles les beautés, les tragédies comme les élans qui font l’humanité. Les approcher, les découvrir et les comprendre c’est y prendre part, humainement. C. A.

 


Vermer

Un artiste (Gilles Aillaud), un universitaire spécialiste de l’économie politique (John Michael Montias) ainsi qu’un historien de l’art (Albert Blankert) se penchent sur les mystères d'une peinture longtemps tombée dans l’oubli et redécouverte au XIXe siècle. Peintre d’une intimité silencieuse, Johannes Vermeer (1632-1675) mêle à ses couleurs l’essence de son époque. La diversité du regard de ces 3 spécialistes et de leurs analyses campe l’œuvre de Vermeer dans l’esprit et les réalités de son temps, un XVIIe siècle foisonnant ou toutes les frontières, bien que farouchement défendues, semblent perméables. 

L’invention d’une société nouvelle aux Pays-Bas est en marche, conquérante, dominant les mers, traversée des influences du sud et du Nord et des innovations que sciences et recherches lui ont apportées. L’œuvre de Vermeer s’en fait le reflet, en traduit la quintessence. Aussi, dans l’atmosphère ouatée d’une heureuse maisonnée, par le jeu savant de transparences délicates et d’éclats lumineux, une simple scène de genre - une dentelière à son ouvrage - est capable d’arrêter le cours des heures. Au-delà des siècles, par-delà les bouleversements de l’histoire et des hommes, une femme humble et tranquille s’applique à sa tâche, laborieuse et constante. Au-dehors, son pays vient de connaître un âge d’or que lui jalousent les puissances d’Europe. Mais Vermeer leur oppose avec franchise et simplicité, un bon sens aussi pragmatique qu’inspiré. Il vante par les gestes de sa jeune ouvrière les vertus d’un travail, indifférent à la rumeur des villes et des ports, poursuivi avec soin comme un chemin solitaire, construisant par lui-même sa paix et son harmonie. Par des scènes ordinaires presque banales ou des paysages paisibles et ordonnés, qu’il ne cessera de camper dans ses tableaux, le maître de Delft traduit l’élan d’un XVIIe siècle avide de connaissance et de progrès, mais aussi d’ordre et d’élégance. Ses toiles possèdent la force et la douceur d’une musique de chambre, où la figure humaine reste le cœur de son sujet. Serein, poétique, émouvant, en regard des peintres du Nord et des héritiers du Caravage, Vermeer aura dans la minutie aigüe du détail, trouvé une forme hors du temps pour dire une sorte d’éternité humaine. Le voile se lève alors, grâce à Gilles Aillaud sur la dimension philosophique de sa touche. John Michael Montias retrace avec minutie l’histoire et le contexte social de l’artiste. Et, Albert Blankert, quant à lui, explique l’originalité du peintre en regard de ses pairs. Un voyage dans la vie au XVIIe nourri pour mieux saisir la force et spiritualité de l’œuvre de Vermeer.C.A

 


Hiéronymus Cock

Maître graveur de la renaissance

Albrecht Dürer, Raphaël, Jérôme Bosch, Pieter Bruegel sont autant d’artistes que les graveurs ont fait connaître au-delà de leurs frontières. Aux quatre vents, une société d’édition anversoise moderne avant l’heure, fondée par le graveur Hiéronymus Cock (1518-1570) et son épouse, traversera l’histoire des Pays-Bas en diffusant près de 2 000 estampes. Des images pieuses aux cartes géographiques, des interprétations subtiles de toiles de maîtres aux allégories monarchiques, l’art, l’esprit, le trait et le mouvement de la Renaissance laisseront dans les pays du Nord leur fragile et éloquente empreinte graphique.

Près de 150 gravures d’exception – portraits, paysages, vues d’architectures et vestiges antiques – témoignent dans l’ouvrage publié au Fonds Mercator, de cette intense et prospère production, offrant une exploration des canons inspirés de l’Antiquité, des évolutions techniques visibles au fil des planches. Au-delà, elles révèlent une vision d’un monde nouveau, inventif et conquérant. Un magistral hommage au dessin.Je suis un paragraphe. Cliquez ici pour ajouter votre propre texte et me modifier. C.A


Raphaël

Les dernières années

Avec élan et rigueur l’ouvrage Raphaël, les dernières années, coédité par Hazan et le musée du Louvre, retrace l’époque fertile et fébrile d’une production artistique que s’arrachent les princes et l’Eglise. L’atmosphère, les préoccupations de la Renaissance, la richesse des échanges entre pays du Sud et du Nord émaillent de page en page, un récit savant et accessible, documenté et alerte, mené par les historiens Tom Henry et Paul Joannides.

En 1513, Raffaello Sanzio da Urbino (1483-1520) n’a plus que sept ans à vivre. Son atelier fourmille alors d’une cinquantaine d’assistants et apprentis. Les commandes pleuvent. Les projets prestigieux, les collaborations de haute volée rythment le quotidien d’un peintre dont la renommée tient tout entière dans son prénom. Avec élan et rigueur l’ouvrage Raphaël, les dernières années, coédité par Hazan et le musée du Louvre, retrace l’époque fertile et fébrile d’une production artistique que s’arrachent les princes et l’Eglise. L’atmosphère, les préoccupations de la Renaissance, la richesse des échanges entre pays du Sud et du Nord émaillent de page en page, un récit savant et accessible, documenté et alerte, mené par les historiens Tom Henry et Paul Joannides, A Rome, Raphaël n’est pas seulement peintre mais aussi théoricien de l’art, architecte de Saint-Pierre, urbaniste, spécialiste de l’Antiquité dont il recense les trésors. Ses disciples les plus proches, Giulio Romano et Giovanni Francesco Penni, l’épaulent en perpétuant une vision du monde dont la figure humaine est l’âme et le cœur. Des débuts du pontificat de Léon X (1513) jusqu’à la disparition de l’artiste, les toiles de Raphaël sont examinées, auscultées, mises en regard, à l’aune d’une société en plein bouleversement. Se dessine alors l’atmosphère de son atelier, l’émulation que suscite la présence dans la capitale vaticane du « monstre » Michel-Ange, son exact contemporain. Dans la chapelle Sixtine le trublion s’attèlera au plafond, tandis que le sage portraitiste se cantonnera aux cartons de tapisseries illustrant la vie de saint Paul. Sa couleur, la minutie de son modelé, la grâce expressive et distante de ses modèles offrent une lecture fine de la Renaissance que ne manqueront pas de s’approprier d’autres meneurs tels le Bernin, Rubens et Le Brun. Une belle approche des temps que l’on dit modernes.

 


Jean Prouvé Catalogue d'exposition

posté le 6-10-2018

L’ouvrage, réalisé à l’occasion de l’exposition Jean Prouvé Nancy, Grand Nancy 2012 le suit année par année, égrenant au fil de 400 pages, citations, témoignages et documents précieux qui scellent sa pensée et son esthétique épurée. De Mallet-Steven, qui lui confie une première commande sans devis ni croquis, au Corbusier, qui deviendra son ami, de Constantin Brancusi à Fernand Léger, chaque rencontre de ce ferronnier d’art devenu architecte en explorant tous les savoir-faire, est chaque fois un pas en avant, vers l’autre, l’échange, le partage. Chacun détient sa place, sans préjugé ni ostracisme.

Par l’élégance du geste, l’éclat des matières, la rigueur du dessin, Jean Prouvé n’a pas seulement imaginé un design précurseur. Il a, avant tout, proposé une vision juste et sensible d’une architecture évolutive et humaniste. Ce bâtisseur du XXe siècle né en 1901, année de la fondation de l’Ecole de Nancy et de la Société des arts décoratifs, ne cessera de jeter des ponts entre arts et métiers, création et industrie, esthétique et usage, épousant les élans de son temps pour en concevoir l’architecture.

Car, par son obsessionnel étude de la forme, du corps, des rythmes nouveaux qu’ont apportés le progrès et l’industrie, Jean Prouvé, avec générosité et bienveillance, semble ne s’attacher qu’à l’essentiel : l’humain. Les pupitres d’école, l’organisation de habitat, comme les objets les plus usuels du quotidien n’ont d’autre but que de se faire oublier pour servir avec grâce et ouvrir l’imaginaire vers d’autres horizons, sans jamais enfermer ni contraindre. Dans une photographie anonyme, datée de 1911, cette attention de tous les instants se décèle . On y voit un enfant blotti contre son père observant l’un et l’autre avec tendresse et application une simple plaque de cuivre. L’enfant s’appelle Jean et son père Victor Prouvé. Tout est dit de son souci d’harmonie et de transmission.C.A


ALEXANDER MCQUEEN

LOVE LOOKS NOT WITH THE EYES. Plus qu’un titre, c’est la devise, le message intime, la profonde conviction et peut-être la vérité d’un homme élancé dans la course de sa vie. Cette phrase shakespearienne, tatouée au bras du créateur Alexander McQueen (1969-2010), dit l’essence spirituelle du sentiment. Elle pourfend l’apparence. Elle suggère cette pudeur pour l’autre qui scelle le vrai amour. Percutante comme une épitaphe, Love looks not with the eyes tapisse, en majuscules blanches, la jaquette de l’hommage photographique que rend Anne Deniau à son ami Lee Alexander McQueen. Tel un cri lancé dans la solitude de l’existence, elle sera le leitmotiv qui unit 400 puissants clichés choisis parmi les 30 000 réalisés par la photographe au cours de 13 ans d’une complicité respectueuse. « Il y a dans toute photo une part de l’autre et de soi-même » confie Anne Deniau dans l’émouvant texte qui introduit son récit en noir et blanc.

Offrant en partage les instants d’une exceptionnelle proximité, ses images ne viennent pas immortaliser d’éphémères et magiques défilés mais s’arrêtent aux instants de grâce en back stage ou dans l’atelier de création, lors des essayages pendant lesquels, à quelques heures d’un défilé, Alexander McQueen, tel un peintre s’autorisant un repentir, prenait ses ciseaux pour restructurer une épaule ou un col. Son extravagance anglaise, parfois ubuesque, héritée de Leigh Bowery, dont le créateur a clamé la filiation, tient davantage d’une vision radicale de l’allure, de l’élégance et du style que de la provocation.

Dans un jeu savant de formes, d’un mélange inopiné de matières, l’invention du créateur, égrenée chez Romeo Gigly puis Givenchy, se fait à la fois trésor et écrin. Anne Deniau, page après page, capte l’intense attention du couturier, sa volonté d’offrir à l’invisible une présence presque tangible et matérielle. Dans ses yeux, elle explore son imagination hybride qui puise dans le théâtre de la vie, la danse des corps, la musique du parfum des roses, une vérité de l’être dans le monde. Lee Alexander McQueen approche de cette essence forcément exagérée, existentielle et tellement raffinée. Sa mode est comme celle de tous les grands créateurs, un chant d’amour pour la femme, quelle qu’elle soit, mystérieuse, mutine, charmeuse ou corrosive. Alors surgissent au détour d’une broderie, du tombé d’un vêtement, d’un miroitement de soie, toute la tradition de la couture que le créateur a su apprendre à toute allure pour l’oublier et la dépasser aussitôt. Il est allé vite, loin, au plus précis, au plus juste, au plus vrai. Son chemin sera court. On en connaît la fin, son suicide, en 2010, peu après la disparition de sa mère. C’est pourquoi, les 13 ans de vie que capte Anne Deniau, porte en eux la précieuse mémoire, amène, douce et endiablée d’un faiseur de merveilles, qui a hissé la mode à sa juste place, là où le ciel devient la seule limite.C.A


Il était une fois… le western

Le rêve américain serait-il né sur la selle d’un cheval au galop ? Entre légende et réalité, l’esprit qui anima la conquête des territoires nord-américains tient tout entier dans l’univers du Western. Du XIXe siècle à nos jours, le musée des beaux-arts de Montréal s’en fait l’écho, le miroir, la conscience. Voyage au cœur d’une mythologie bien vivante. Construite comme un film, avec ses protagonistes, ses arrêts sur images, ses course-poursuites, ses travelings et ses décors, l’exposition Il était une fois… le western, retrace la grande aventure de l’Ouest en quelque 400 œuvres, toiles, installations, extraits de films et documents inédits. 

L’irrépressible élan d’une charge de cavalerie, le sourd tonnerre de milliers de sabots foulant une plaine sans fin, le sifflement des balles ou le chaos de brinquebalantes roulottes, aventurées dans une nature inamicale, sont autant d’images et de sensations universellement partagées. Déployées à l’envi par les peintres, les sculpteurs, les photographes, les cinéastes hollywoodiens et européens, elles ont bâti une mythologie nord-américaine, venue s’ancrer dans la mémoire de l’enfance parmi les histoires de cape et d’épée, les super-héros ou les grandes épopées gréco-latines.

Car, oui ! Le western est bel et bien un genre à part entière, traversant les cultures, les contrées comme les disciplines, du cinéma aux arts plastiques. Et oui, encore ! Il porte en lui, autant qu’il les escamote, des réalités humaines et historiques aux survivances visibles et contemporaines. Mais au-delà, tel un prisme révélant une constellation de miroitements, cette magistrale présentation ouvre les tiroirs de la mémoire et de la conscience, confrontant au pittoresque de virils cow-boys, au folklore de la musique country et au mythe du bon et juste colon, le génocide des populations autochtones, ces peuples que dorénavant on ne nomme plus Indiens mais premières nations. Des toiles majeures du XIXe - le plus souvent commanditées en leur temps par les autorités d’état - campent les immenses plaines (un troupeau de bisons dans le lit du Missouri par William Jacob Hays) les périlleuses ruées vers les terres arables (Immigrants traversant les plaines, par Albert Bierstadt) ou encore Sur la route de Thomas Proudley Otter, qui saisit dans leur course un train lancé à toute vapeur et une roulotte dont les arceaux tendus de toiles épousent tant bien que mal la frénétique allure de son équipage. L’archaïque et le moderne se conjuguent sur une terre où tout reste à construire et, dans l’esprit de ses conquérants, à maîtriser.

 Ici, la frontière recule s’habillant d’un mythe qui s’affirme au fur et à mesure que l’horizon se défriche vers l’Ouest. Dès lors le Nouveau Monde ne semble plus si neuf. La vieille Europe y aura ostensiblement transporté son antique sens de la tragédie, à peine relooké sous un Stetson, chaussé d’éperons acérés, armé d’un lasso tournoyant dans l’air. Dans une prestigieuse distribution s’avancent John Wayne, au déhanchement chaloupé et Clint Eastwood, au regard de braise. Derrière la caméra, John Ford et Sergio Leone portent à l’écran les héros d’une Amérique qui puise, dans son histoire magnifiée, avec force propagande, sa légitimité et son bon droit comme on honore un cadeau des dieux. Seigneurs de poussière, géants d’espaces infinis se font face, se toisent et s’affrontent, offrant leurs scènes inoubliables, savamment projetées au cœur de l’exposition.

Pourtant, dans la vraie vie, les héros sont moins glorieux. Les portraits de Calamity Jane campent une passionaria peu amène. L’aura du grand Buffalo Bill s’émousse dans les cirques européens où l’habile dresseur finira par s’éteindre. Et les autochtones déracinés sont montrés dans les villes d’Occident telles des bêtes de foire. Jouant d’un constant aller-retour entre mythe et réalité, décodant l’un et l’autre, l’exposition ne perd jamais de vue la vérité historique, sachant à la fois cultiver notre fascination pour le genre tout en suscitant la réflexion. D’embuscades en massacres, d’attaques de diligences en migrations risquées, la soif des grands espaces traverse les décennies jusqu’à nous. L’imaginaire du western se fond dans la culture contemporaine. Soudain surgit la moto d’Easy rider… arborant le drapeau américain. Les peintres Franz Kline (Palladio) Jackson Pollock (Figure découpée) ou encore Roy Lichtenstein (cow-boy sur un cheval sauvage) ont compris l’héritage que l’histoire leur a confié l’invitant, l’immisçant même une représentation abstraite de la figure et de la condition humaine. Quentin Tarantino (Django Unchai­ned), Ang Lee (Brokeback mountain) en sont également d’éloquents ambassadeurs, tout comme, dans le champ de l’art contemporain, Kent Monkman qui met en scène, dans un tipi, aménagé en boudoir de saloon, un film muet où cow-boys et apaches soulignent avec légèreté toutes les ambiguïtés qu’embrasse la fascination du western.

Soudain surgit la moto d’Easy rider… arborant le drapeau américain. Les peintres Franz Kline (Palladio) Jackson Pollock (Figure découpée) ou encore Roy Lichtenstein (cow-boy sur un cheval sauvage) ont compris l’héritage que l’histoire leur a confié l’invitant, l’immisçant même une représentation abstraite de la figure et de la condition humaine. Quentin Tarantino (Django Unchai­ned), Ang Lee (Brokeback mountain) en sont également d’éloquents ambassadeurs, tout comme, dans le champ de l’art contemporain, Kent Monkman qui met en scène, dans un tipi, aménagé en boudoir de saloon, un film muet où cow-boys et apaches soulignent avec légèreté toutes les ambiguïtés qu’embrasse la fascination du western.

Miroir des identités, le musée des beaux-arts de Montréal explore le monde en face. Conçue avec le Denver Art Museum, où l’exposition a précédemment fait escale, Il était une fois… le western illustre avec brio la mission humaniste et civique que l’institution développe depuis une quinzaine d’année. Approchant les sujets de société par des pièces emblématiques, s’attachant moins à l’histoire de l’art d’une œuvre (tous supports confondus) qu’à sa teneur, sa puissance évocatrice et symbolique, le regard transversal et exigent que porte ce musée et cette exposition sur les racines de l’Amérique révèle sans équivoque les zones d’ombres, les failles, les séquelles d’une lecture du passé propice aux stéréotypes et aux discriminations. Ce courageux engagement, instillé dans toutes les actions de l’institution, procure une ouverture nouvelle au sens critique et à la conscience de l’histoire, qui place le musée - tel est son rôle premier - au cœur de la connaissance, de la culture et de la vie future de nos cités. Toute notre histoire, non ?

 

Jusqu’au 4 février 2018, au musée des beaux-arts de Montréal, pavillon Jean-Noël Desmarais


Addi Bâ

Histoire et contre histoire

Addi Bâ

Histoire et contre histoire

Héros et légendes sont les ferments de la mythologie. Qu’un homme entre dans l’histoire, il s’habille aussitôt de symbole, se teinte d’une aura qui révèle autant qu’elle escamote. Sa vie devient légende. Sa figure celle d’un héros. Aujourd’hui, le mythe frappe Addi Bâ.

Jeune Peul, né en Guinée, arrivé en France, dans les années 1930, Addi Bâ combat en juin 1940 dans les Ardennes parmi les tirailleurs sénégalais, dans les rangs de l’infanterie coloniale.

 

En pleine débâcle, emprisonné par les Allemands, il s’évade et trouve dans le village vosgien de Tollaincourt, le soutien d’habitants qui l’accueillent et le protègent en lui procurant un emploi de commis agricole. Addi Bâ s’intègre à la vie locale, se lie d’amitié au village tout entier et bientôt se rapproche des réseaux de la Résistance. Il deviendra le chef du maquis de la Délivrance avant d’être arrêté, torturé puis exécuté en 1943 par l’armée allemande. Sa mémoire, farouchement entretenue par quelques compagnons d’armes survivants, par les Vosgiens qui l’ont connu et transmis son souvenir aux jeunes générations, ne sera honorée par les autorités françaises qu’en 2003, par une posthume et discrète médaille de la résistance en présence d’Ibrahima et Hady Bah, ses deux neveux venus de Guinée. Voilà pour l’histoire, maintenant commence le mythe où se tord la réalité.

 

L’œil du cinéaste Gabriel Le Bomin et la plume de Tierno Monénembo n’y sont pas étrangers. « Nos patriotes » inspiré du roman « Le terroriste noir », paru en 2012, sont deux versions d’une même histoire, qui, célébrant l’héroïsme d’Addi Bâ, minorent hélas l’ancrage humain de ce musulman noir sur une petite parcelle vosgienne de l’empire colonial, qu’il a choisi de servir et défendre jusqu’au sacrifice. Malgré la très juste interprétation de Marc Zinga, le jeu sensible d’Alexandra Lamy, de Louane Emera et de Pierre Deladonchamps, « Nos patriotes » ramènent l’exceptionnel engagement d’Addi Bâ à un épisode de la résistance dans un village français. Le roman dont le film est tiré, s’attache quant à lui à la connivence des villageois tombés sous le charme de ce Peul charismatique, ayant su entrer en communion avec toute la population, de l’institutrice aux paysans, des enfants aux aînés.

Un Film, un Roman / Affiche de Nos patriotes

Un Film, un Roman

Une bio

Son histoire pourtant est encore plus merveilleuse, riche et subversive. Pour l’éclairer et la comprendre un œil curieux, celui d’Etienne Guillermond s’y est plongé, constituant en 2013, une biographie, fort documentée « Addi Bâ, résistant des Vosges ». Pendant plus de dix ans, le journaliste a enquêté, interviewé les survivants du maquis de la Délivrance, réuni les témoignages, interrogé les mémoires, rassemblé les traces. Se dessine alors une autre histoire, celle d’un gamin (le biographe) qui fouinant dans la bibliothèque de ses parents, à Tollaincourt, trouve par hasard le Coran d’Addi Bâ. « Maman, qu’est-ce que c’est ? » En recevant de sa mère, dans les lieux même où Addi Bâ avait vécu, les bribes d’une mémoire lointaine, l’enfant scelle sa rencontre posthume avec le mystérieux et méconnu héros

 

 

Dès lors, la réalité devient plus puissante que le mythe, faisant voler en éclat les banals clichés sur la colonisation, le racisme, la résistance ou même l’héroïsme auxquels roman et film ne peuvent échapper. A Tollaincourt, Addi Bâ est chez lui, car l’empire colonial est sa terre. S’il est différent, noir et de religion musulmane, il n’en est pas moins adopté par le village vosgien. C’est lui qui motive et convainc les habitants d’entrer en résistance. C’est lui qui leur apporte l’espoir et l’expérience du combat, en pleine Débâcle, alors que les Français se résignent, quand leur exode noircit les routes. Son éducation francophone ne l’a pas éloigné de ses racines peules. Il est soldat et guerrier, guinéen et français. Au-delà du héros, le biographe a trouvé un sage, un séducteur, un pragmatique, un humaniste mais surtout un homme qui a, autour de lui, réunit un village. La vraie histoire d’Addi Bâ est devenue pour le biographe une part de lui-même. Entrée dans la grande Histoire, elle s’inscrit désormais en nous-mêmes. Depuis, le coran d’Addi Bâ est revenu sur sa terre d’origine, remis à ses lointains neveux. L’homme fut sacré héros et son mythe continue de se construire. Il aura permis à une jeune comédienne, Louane Emera, de découvrir la tragique épopée des tirailleurs sénégalais. « Jamais au lycée nous n’avons étudié ce pan de l’histoire, pourtant nous avons tout à en apprendre, sur l’autre, sur l’engagement, sur le courage et la coexistence des différences » confie-t-elle. Cela commence peut-être à l’école ? Le manuel est déjà écrit ! C. A.

 


Etre moderne… ou pas

Tout commence si bien ! La Fondation Louis Vuitton lance dans le ciel du jardin d’acclimatation se grandes voiles expressives, dessinées par l’architecte Franck Gehry, et clame tel un manifeste, l’art d’être moderne, en invitant à Paris les chefs d’œuvres des collections du Moma de New York. Certes, il y a seulement deux ans, le Moma de San Francisco avait déjà investi les galeries du Grand Palais, en réunissant quelques icônes américaines de la Fondation Gap, évoquant les racines de l’art contemporain. Mais, cette fois, l’affaire est d’envergure. Pour la première fois, nous promet-on, des chefs-d’œuvre européens et américains des principaux courants de l’art du XXe siècle à nos jours sont présentés en France.

La grâce de l’Oiseau dans l’espace de Brancusi éblouit, apaise et enthousiasme. Deux toiles - le baigneur et une nature morte - imposent le regard précurseur et la touche magistrale de Cézanne, avant que Picasso dans la splendeur de sa période rose ne vienne y mettre son grain de génie et brouiller avec maestria tous les repères d’une figuration qui avance, suggère son abstraction subtile pour dire la condition humaine dans son plus puissant sentiment. Même un Mickey tortionnaire, protagoniste d’un film d’animation projeté en boucle, semble nous annoncer que la modernité en Amérique c’est la liberté, la résistance effrénée de l’art dans un monde déboussolé. L’histoire du Moma tendrait d’ailleurs à le prouver. Motivés par la mythique famille Rockfeller, de fortunés collectionneurs américains ont ainsi favorisé, en pleine crise de 1929, l’ouverture du Museum of Modern art. Une success-story commence. On se prend à rêver. L’appétit, l’envie et la curiosité gagnent nos pas. Hélas, trois fois hélas ! Quelques salles plus loin, la visite, toujours segmentée par une succession d’escalators, l’ennui gagne, la déception grandit. Que viennent faire ici, à Paris, des chefs-d’œuvre de Kirchner à Malévitch, de Mondrian à Man Ray et nombre de pièces bien moins éloquentes, alors que, par exemple, le Centre Pompidou en offre déjà, dans ses collections permanentes, un somptueux parcours ? Les toiles, sculptures ou installations aujourd’hui présentées à la fondation Louis Vuitton, collectionnées jadis aux Etats-Unis et magistralement orchestrées au Moma par son premier directeur Alfred Barr, indiquaient la proximité comme les divergences d’une approche de la modernité en Europe et en Amérique. Elle soulignait également son exil après-guerre vers les Etats-Unis, détrônant la ville-lumière du marché de l’art. Justifiée là-bas, cette présentation l’est beaucoup moins ici et semblerait plus pertinente à Pékin ou Moscou, où elle serait plus porteuse de symboles et d’enseignement. Quel dommage ! Après le succès de la légitime et flamboyante exposition Chtchoukine, qui alors érigea la fondation Louis Vuitton en utile relais, dans la sphère privée, des institutions muséales publiques, l’ensemble de 200 œuvres envoyées par le Moma, actuellement en travaux, tient d’une simple exposition hors les murs, outil de visibilité et de communication, au propos teinté de contre-sens, que seule peut s’offrir une fondation fortunée. Est-ce cela être moderne ?

Fondation Louis-Vuitton, Paris (XVI). Jusqu’au 5 mars 2018.


Paul Gauguin

L’alchimiste des possibles

L’ailleurs est en lui. Avec l’élan de l’idéal, la soif de l’inconnu et la force de la mémoire, Paul Gauguin a fait de ses bouts du monde un atelier sans frontière. Du Finistère au Panama, de Tahiti aux îles Marquises, de la peinture à la sculpture, il a exploré l’esprit des formes et les formes de l’esprit, les couleurs de temps enfuis, la musique d’un quotidien universel.

Déployée comme un savoureux récit de voyageur, la rétrospective qui lui est consacrée au Grand Palais - Paul Gauguin l’alchimiste - embrasse ses horizons lointains et leurs atmosphères, ses aspirations et les recherches plastiques qu’elles ont engendré. Pour Gauguin, tout est prétexte à expérience, mélange et synthèse. L’artiste - peintre, céramiste, graveur, sculpteur et auteur à ses heures - sonde, dans ses propres sensations, le fonds commun des civilisations qu’elles soient occidentales ou extra-européennes. Il y explore un univers que les temps modernes n’ont pas encore modelé ni travesti. C’est donc l’aventure d’une vie, à la recherche d’un paradis perdu (et peut-être retrouvé), que retracent aujourd’hui les galeries du Grand Palais. D’escales en étapes, 230 de ses œuvres dont 29 céramiques, 35 sculptures et objets, 14 blocs de bois et 67 gravures révèlent, sans exotisme ni académisme, un Gauguin humaniste et sensuel, provocateur et spirituel, visionnaire et absolu.

 

Un hédonisme brut

L’océan est sa promesse. L’exil de ses parents au Pérou, le goût de sa mère pour l’art précolombien ont nourri dès l’enfance un appétit du lointain, des autres et de l’inconnu. Chaque départ annonce avec sa prochaine escale, son attente, son étape nouvelle et la poursuite de son obsessive quête artistique. Gauguin s’élance sur les mers à 17 ans en s’engageant dans la marine marchande, comme on embrasse une mission. Son regard, affranchi de de clichés exotiques et de condescendance coloniale, puise, dans ses départs et ses routes, l’authentique, l’universel, celui que d’une terre à l’autre chacun partage dans les rituels du quotidien, l’anodin et le banal de la vie de tous les jours.pavillon de la France coloniale à l’Exposition Universelle de 1889, renforcent sa conviction que les lointaines possessions françaises détiennent peut-être les réponses à ses questions. Il s’établira en Polynésie, comme on prend du recul, comme on cherche un refuge et un tremplin à une carrière chaotique.

Les vagues ondines

Ses Bretonnes de Pont-Aven, leur danse enfantine gracieuse et tranquille ne sont pas très éloignées des poses naturelles et lascives de ses vahinés des antipodes. Car l’ailleurs est en lui. Il le rencontre ici comme au bout du monde. Tel un appel à l’évasion, la découverte du musée de l’Homme, ouvert en 1878 au palais du Trocadéro, présentant des pièces extra-européennes, puis celle du pavillon de la France coloniale à l’Exposition Universelle de 1889, renforcent sa conviction que les lointaines possessions françaises détiennent peut-être les réponses à ses questions. Il s’établira en Polynésie, comme on prend du recul, comme on cherche un refuge et un tremplin à une carrière chaotique.

Totem et tabou

Plus spirituel qu’on ne l’aurait cru, Gauguin cherche tous azimuts sens et forme. Venu sur le tard à la peinture, il n’a aucune formation académique mais deux mentors, Pissarro et Degas et de nombreux émules dont Emile Bernard à Pont-Aven puis au Pouldu. C’est en « franc-tireur » charismatique, en théoricien audacieux, qu’il attire à lui la colonie de peintres américains et français venue en Bretagne retrouver, tel un retour aux sources, l’esprit d’un temps sans âge, en rupture avec un monde dont les progrès fulgurants, de l’industrie à l’urbanisme, accélèrent les rythmes, escamotent toute possible plénitude. En digne petit-fils de Flora Tristan, il porte un regard critique jusqu’à l’amertume, sur la société de son temps.

 

Ce même esprit l’habitera à Tahiti. Mais là, en ethnologue curieux, Gauguin entend aller encore plus loin, pour comprendre les mythes, les croyances, les coutumes d’un peuple qu’il découvre avec voracité. Amours, relations humaines et préoccupations artistiques se fondent dans la même soif de jeter des ponts entre les cultures, d’en saisir l’essence commune, partageable. Il a emporté avec lui les photographies et les gravures du génie humain, du Parthénon, de l’Egypte ancienne, de Borobudur… Gauguin scelle dans ses idoles réinventées, ses bas-reliefs de bois et – apothéose de l’exposition –sa Maison du jouir, une philosophie de l’être et du plaisir. Au Marquises, Gauguin abolit les conventions de la morale comme du style de ses aînés. L’artiste protéiforme en a tire une expression synthétique et sensible, sensuelle et humaniste. Dès lors, l’accompagner dans son vertigineux voyage en traversant ses œuvres majeures au Grand Palais, rappelle combien l’artiste impétueux, souvent controversé, aura ouvert de chemins aux avant-gardes du XXe siècle naissant. Proche d’un roman ou d’un road-movie, sa route vers l’ailleurs mène à soi. Claire, évidente, riche, elle se révèle à chacun, à toute époque, tenant toujours le même discours : celui de la liberté. C’est un héritage qu’il convient d’accepter comme on relève un défi.

Gauguin l’alchimiste, Galeries nationales du Grand Palais, jusqu’au 22 janvier 2018.

 


Jean-Baptiste Perronneau à Orléans

Des pastels sous surveillance

Il serait dommage de ne pas faire un saut à Orléans pour découvrir les œuvres trop méconnues de Jean-Baptiste Perronneau (1715-1783). Quelque 153 portraits d’un naturel déconcertant, d’une intense profondeur psychologique et d’une rare élégance composent une vaste galerie retraçant, à la fois, la carrière du peintre et son siècle des Lumières, traversé avec indépendance et subtilité. Parmi ces œuvres provenant des plus prestigieuses collections d’Europe, 53 pastels éclatants, intacts malgré leur âge, ont fait l’objet du soin et de l’attention extrêmes d’une restauratrice passionnée, Valérie Luquet.

Car, si les pastels sortent rarement de leurs musées, ils voyagent encore moins. Aussi, pour convaincre les prêteurs et assurer la plus grande sécurité aux chefs-d’œuvre, réunis pour la première fois, la restauratrice a conçu, après études et essais approfondis, un système de conditionnement (36 caisses spéciales) les protégeant des mouvements et des vibrations. Une véritable révolution qui l’a conduite à effectuer près de 10 000 kilomètres en moins d’un mois pour recueillir, emballer et accompagner chaque précieux et fragile pastel. Le résultat est saisissant. Côte à côte, toiles et papiers se répondent, conjuguant leurs nuances sensuelles, veloutées et soyeuses. Alors comprend-on la bonhomie et la bienveillance de l’artiste qui cherche ce qu’il y a de bon en chaque modèle, tel ce jeune Jacques Cazotte, spontanément souriant ou ce double portrait d’une femme en robe bleue et de son serviteur noir. Cette traversée inédite que propose l’exposition est un hymne à la vie et à la joie peindre. Elle dénonce également les calculs et rivalités qui ont enfoui l’œuvre de Perronneau dans les oublis de l’histoire. Ainsi, en comparant sa touche délicate, les transparences dont il est passé maître et l’empathie dont il nourrit ses portraits à l’autoportrait arrogant d’un Quentin de la tour, on comprend soudain combien Perronneau était pour le peintre mondain et lancé un homme à abattre. Cette présentation unique tient lieu de réponse posthume à une injustice artistique aujourd’hui réparée.

PROLONGATION jusqu’au 22 octobre 2017 au musée des Beaux-arts d’Orléans (45).

C'est un œil, qui lit, observe, remarque, retient… compare. Curieux, il fouine, plonge, savoure et se nourrit. Libre, il choisit son chemin, s’immerge dans un livre, s’aventure dans une photo, se perd dans la ville, s’arrête dans une expo. Dans le flot de l’actualité culturelle, l'oeil de la Mona se promène et saisit dans la fugacité du regard les beautés, les troubles, les questions et parfois les réponses à son attente.

Comme on relève une petite annonce dans un journal, en la marquant d’une croix, comme on détache la page d’un magazine pour se souvenir d’un nom, d’une adresse, d’un événement, "l'oeil de Mona" extrait du flot de l’actualité culturelle impressions, humeurs et envies. Une mémoire en temps réel d’instants vécus, d’images et d’idées vivantes, de créations imbriquées, à voir, aimer et partager. Autant de marque-pages qui ponctuent le rythme effréné de l’actu, autant de pistes de curiosité proposées par Christophe Averty, journaliste d'art et reporter culturel pour le blog des librairies Mona lisait.